Un vêtement partagé

Œuvres associées à cette exposition
Thème de l'exposition
Un projet pédagogique, artistique et interculturel entre Tours et Marrakech
Du 22 janvier au 1er février 2025, les étudiant·es de troisième année de DN MADE Mode du lycée Choiseul (Tours) ont participé à un projet de mobilité internationale exceptionnel à Marrakech, intitulé Un Vêtement Partagé. Ce projet ambitieux, à la fois pédagogique, artistique et humain, s’est construit autour d’un objectif central : faire du vêtement un espace de dialogue, de transmission et de création entre cultures.
Une immersion culturelle au cœur de Marrakech
La première partie du séjour a permis aux étudiant·es de découvrir la richesse patrimoniale, artisanale et humaine de la ville de Marrakech à travers une immersion culturelle intense.
Ils ont visité plusieurs lieux emblématiques : le Palais El Badi, la Medersa Ben Youssef, le Jardin Majorelle, le Musée Yves Saint Laurent, le Musée Pierre Bergé des Arts Berbères, le Musée des Confluences (Dar El Bacha), ou encore la Maison Denise Masson, où ils ont échangé avec le designer français Philippe Daney.
Mais cette immersion n’était pas qu’esthétique : elle fut profondément humaine. De nombreuses balades dans la Médina ont mené les élèves à rencontrer des artisans locaux – tisserands, brodeurs, mâalem (maîtres artisans couturiers), bijoutiers – dont les gestes, les savoir-faire et les paroles ont nourri la réflexion des étudiant·es sur les traditions textiles marocaines, souvent vivantes et encore accessibles, contrairement à celles qui, en France, sont parfois confisquées par les grandes maisons de luxe.
Dans un petit magasin de la Médina, une élève a même eu la chance de s’essayer au tissage traditionnel, dans un moment suspendu et symbolique de cette rencontre entre pratiques vivantes et regards curieux.
Les élèves ont également découvert des aspects moins connus de la culture locale, en explorant un marché de caftans d’occasion (le marché Dlala), en visitant le centre artisanal de Marrakech, ou en dégustant un jus frais sur la célèbre place Jamaa El Fna, au mythique café Argana.
Le séjour s’est déroulé dans un lieu d’accueil magnifique : le Riad Mama Toutou, une douiria, ou “maison des invités”, située à deux pas de la Médina. Accueillis avec une immense hospitalité, les élèves et enseignants y ont partagé des repas typiques marocains – couscous, tajines de kefta, mets parfumés et généreux – dans une ambiance conviviale et chaleureuse. Ce lieu a constitué un véritable cocon propice aux échanges, au repos, mais aussi à la réflexion collective.
Une collaboration artistique entre jeunes créateurs marocains et français
La deuxième partie du séjour a été consacrée à une collaboration artistique avec les étudiant·es de troisième année en design graphique de l’ESAV, École Supérieure des Arts Visuels de Marrakech. Répartis en huit groupes mixtes, les jeunes créateurs marocains et français ont croisé leurs pratiques, leurs regards et leurs références autour de la thématique du vêtement comme objet partagé et support culturel.
Les projets ont été extrêmement variés dans leurs approches comme dans leurs médiums :
- Henné et transmission: ce groupe a interrogé la tradition du henné, à travers des témoignages de femmes et une réflexion sur la manière dont ces pratiques s’ancrent dans la mémoire familiale, tout en les reliant au textile par un travail de motifs.
- Caftan, vêtement d’apparat: équivalent du vêtement de haute couture au Maroc, le caftan a été au cœur d’un projet mêlant stylisme, photographie et réalisation de vidéos dans l’esthétique des magazines de mode.
- Fripes et identités croisées: les élèves ont exploré la question des vêtements de seconde main, à la croisée des tendances contemporaines et des pratiques locales, interrogeant l’expression de soi à travers des habits venus d’ici et d’ailleurs.
- Broderies croisées: les étudiant·es marocains ont brodé des motifs traditionnels sur des photos de Tours, et les étudiant·es français ont fait de même sur des photos de Marrakech, dans un geste d’appropriation poétique et graphique du territoire de l’autre.
- Bijoux textiles: ce projet mêle broderie, perles, métal ciselé (réalisé par un artisan), et infographie, dans une rencontre entre savoir-faire traditionnels et techniques contemporaines.
- Mirage (stop motion textile): cette animation image par image réalisée avec du fil et du tissu évoque un rêve de soleil et de voyage à travers une narration poétique.
- Cycle, identité et mouvement: autour d’une performance dansée, ce projet explore la transformation du corps et du vêtement dans une logique de spirale et de renouvellement constant.
- Zarbouche, tapis et tarbouche: en croisant deux objets emblématiques – les tapis, tissés traditionnellement par les femmes, et les tarbouches, portés par les hommes – ce groupe a interrogé la place des genres dans les pratiques artisanales.
Ces huit projets témoignent de la richesse des échanges entre les jeunes, mais aussi de leur capacité à créer du lien par la création. Le vêtement est devenu ici bien plus qu’un objet fonctionnel ou décoratif : il s’est fait langage, mémoire, trace, espace commun.
Une pédagogie du sensible et du collectif
Ce projet s’inscrit pleinement dans une pédagogie de projet, ancrée dans le réel, dans la rencontre et dans la pratique. Il illustre la capacité du design à faire dialoguer des mondes, à tisser des ponts entre les disciplines (mode, textile, graphisme, danse, photographie) mais aussi entre les cultures.
Au-delà des savoir-faire techniques, ce sont des compétences humaines, collaboratives et sensibles qui ont été mobilisées : écoute, adaptation, créativité, gestion du temps, échanges interculturels.
La dernière journée du séjour fut marquée par la présentation publique de tous les projets dans les locaux de l’ESAV, dans une ambiance chaleureuse, joyeuse et fière du travail accompli.
Un vêtement à partager, une expérience à transmettre
Un Vêtement Partagé restera une aventure marquante, tant pour les étudiant·es que pour les enseignant·es.
À travers ce projet, le vêtement est devenu une métaphore du lien, un outil pour créer des ponts entre les générations, les savoirs, les disciplines et les cultures. Une invitation à penser la mode autrement : ancrée dans les territoires, ouverte au monde, et profondément humaine.